Hôpital de Chambéry : « ce que nous voudrions, c’est que les choses changent et pour cela, le citoyen doit se réapproprier son système de santé »
La crise sanitaire n’est pas totalement derrière nous, mais le temps est (re)venu pour le personnel du centre hospitalier de Chambéry de rappeler ses revendications au bon souvenir de l’exécutif. Après quelques mois applaudis à 20h, le personnel soignant souhaite à présent voir poser des actes traduits en moyens, en lits, et en personnel supplémentaire plutôt qu’en primes ponctuelles. Les mêmes revendications depuis un an et demi, qui seront mises en avant le 16 juin, lors d’une grève et d’une mobilisation autour de l’hôpital, où ils espèrent voir de nombreux citoyens. 

Pour cette « mobilisation », une demande a été déposée en Préfecture*, sans encore de retour, ni dans le sens d’une interdiction ni dans le sens d’une autorisation. Le 16 juin ne sera pas seulement une journée d’action mais aussi une journée de grève : un préavis a été déposé par les syndicats et celui-ci concerne l’ensemble des services, et non uniquement les urgences, d’où le mouvement était parti il y a un an et demi. « Nous serons mobilisés tout autour du centre hospitalier de Chambéry, dans une sorte de marche tournante, munis de masques, dans le respect de la distanciation physique et des règles sanitaires, bien entendu, » précise Fabrice Lodo, membre de la CGT du centre hospitalier Métropole Savoie (CHMS). « L’idée est d’éviter les rassemblements fixes devant l’hôpital. A 13h, nous nous rassemblerons entre agents, en tenue, pour la remise de médailles en chocolat, » poursuit-il, « nous avons donné rendez-vous aux citoyens quels qu’ils soient, politiques ou non, à 13h30, soit vêtus de blanc, soit porteurs d’un tissu blanc en marque de solidarité. » En pleine campagne municipale, les représentants des syndicats hospitaliers n’ont pas souhaité interpeller les candidats, « pour ne pas être phagocytés, nos syndicats ne sont pas politisés. Nous n’avons pas d’a priori vis-à-vis des candidats mais nous n’avons pas non plus d’espérance folle : nous avions rencontré l’ensemble des députés, sénateurs, président de région et du département, élus, maires, les échanges ont été longs, pour qu’ils interviennent avant le vote du budget. Donc nous n’avons pas voulu recommencer, tout a déjà été dit » conclut Fabrice Lodo.

« Des revendications exactement identiques » à l’avant-crise sanitaire

Même si le moral est soutenu par « la fraternité sans faille » qui a porté le CHMS durant le plus fort de la crise sanitaire, par ses 4 500 agents, hospitaliers ou non, aujourd’hui, le « personnel soignant » compte sur la solidité de la solidarité déployée à leur égard. « Nous avons reçu des témoignages hyper bienveillants, des dons, d’entreprises, de particuliers, des biens de consommation, des objets, de la nourriture, vous ne pouvez même pas imaginer! » énumère Fabrice Lodo, « maintenant ce que nous voudrions, c’est que les choses changent, et pour cela il faut que le citoyen se réapproprie son service de santé. L’hôpital de Chambéry appartient à tous, les gens ont le droit de donner un avis sur ce qu’ils veulent en faire. » 
Et c’est peu de dire que les applaudissements des balcons à 20h leur ont fait plaisir, mais qu’ils n’ont pour l’heure, toujours pas obtenu ce qu’ils souhaitent et réclament depuis plus d’un an maintenant : des lits supplémentaires, la revalorisation des salaires et du personnel en plus. Toujours, strictement les mêmes revendications qu’au début de leur grève en mars-avril 2019. « Covid ou pas, rien n’a changé, souligne le délégué syndical, « ça n’a été qu’un arrêt sur image pendant 3 mois difficiles, ou nous-mêmes, délégués syndicaux à plein temps, nous sommes portés volontaires pour « l’effort de guerre »comme on dit. » 

Que les promesses se transforment en actes

Au risque de passer pour « ingrats », compte tenu des primes** qui leur ont été promises par Olivier Véran et le chef de l’Etat, pour l’effort qu’ils ont fourni durant le plus fort de la crise, « mais qui ne résoudront pas les problèmes de l’hôpital », les personnels soignants réclament les moyens indispensables à la bonne marche de l’hôpital public. « A Chambéry, nous avons été préservés, grâce à la réorganisation des services, et à l’afflux qui n’a pas été massif, nous n’avons pas vécu l’enfer, comme dans d’autres régions de France, » souligne Bastien Reisler, infirmier aux urgences du CHMS, « mais ce qui ressort maintenant, c’est que ça fait un an qu’on le dit! Il est possible qu’on nous dise qu’on a réussi à faire face sans ce que nous réclamions, mais il fallait y aller! Cela peut nous desservir, mais nous attendons un retour sur investissement, que les promesses se transforment en actes, il faut mettre la main à la poche pour bâtir un véritable hôpital, attirer de nouveau des soignants, » plaide-t-il.

Pour faire face à la crise du Covid, le CHMS a déprogrammé des consultations, redéployé son personnel ce qui a permis à l’établissement de santé de remplir tous les lits créés sur la période sans être débordés. Mais cela ne change rien à la situation « classique » selon Bastien Reisler, en première ligne : « L’hôpital est en tension en temps normal, on a compté sur nous, et les agents hospitaliers et même non-soignants se sont donnés corps et âme à leur mission, nous avons répondu présent, et le retour à la « normale » ce sera de nouveau 5 à 6 heures d’attente pour être pris en charge aux urgences, des gens qui y passeront la nuit, ainsi que des crises de vocation, on voit ça tous les jours. La crise n’a pas changé grand-chose, si ce n’est que ça a été médiatisé, les gens ont vu la réalité de leurs yeux. La population doit nous soutenir, c’est d’elle que viendra le véritable changement, » estime-t-il. Loin de souhaiter une action violente, l’objectif du personnel soignant, porté par le collectif inter-urgence est de « rafraîchir la mémoire » tant à l’exécutif qu’aux citoyens « il ne faudrait pas que nous ayons la mémoire trop courte, » souligne Bastien Reisler, « la crise sanitaire est toujours en cours, même si le virus a tendance à s’estomper, nous ne sommes absolument pas à l’abri d’une deuxième vague à l’automne-hiver prochain. Si rien n’est fait, on ne donne pas cher de l’hôpital, il n’y aura pas grand monde qui voudra y aller ! » 
Rappelant que 60 postes d’infirmiers sont toujours en attente d’être pourvus à Chambéry, et que les salaires, légèrement au-dessus du SMIC, ne séduisent pas les nouveaux venus, d’une seule voix les délégués syndicaux précisent : « Cela concerne tous les services, quand un arrêt tombe, certains autres reviennent, font une croix sur leur vie privée. Qui peut accepter de telles conditions de travail? Nous avons une fuite du personnel, nous n’arrivons pas à garder les gens! » Mais leurs revendications ne sont pas un plaidoyer à l’encontre de leur direction, laquelle « doit aller dans le sens de la politique générale décidée par les instances ministérielles ». Alors, ce combat qui se poursuit, Bastien Reisler, Fabrice Lodo et leurs collègues ne risquent pas de l’abandonner, pour une raison qui apparaît évidente « On continuera à se battre, pour la refondation en profondeur du système de santé français. C’est pour les gens qu’on fait ça, tout dépend de quel avenir ils souhaitent? Un avenir comme aux USA où sans carte bleue ils ne pourront pas se soigner, ou bien à la française, où ils peuvent être soignés gratuitement, avec des soins de qualité. C’est une décision politique. » 

* Le rendez-vous a été fixé devant le CHMS de Chambéry à 13h pour les personnels soignants et à 13h30 pour les citoyens. Il n’est pas prévu de cortège dans les rues de la ville mais simplement une chaîne humaine « sans contact » autour de l’hôpital. Les syndicats attendent à l’heure où nous publions cet article, l’autorisation préfectorale. 

** Concernant la prime allouée par le ministre de la Santé aux personnels soignants des hôpitaux publics, Bastien Reisler nous expliquait que « cette prime représente 30% de mon salaire mais mon salaire lui, n’a pas augmenté depuis 10 ans. Nous préférons largement la revalorisation des salaires, soit l’équivalent de deux primes par an pour tout le monde. C’est gentil, la prime on la prend, mais ce n’est pas le fond du problème, » avait-il estimé. 

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