Culture : A la Traverse, « on fait le pari que les gens vont revenir au spectacle vivant »
Quand le rideau est tombé sur le spectacle vivant en mars dernier, au moment du confinement, les salles de spectacle ont dû, le cœur serré, mettre fin au « show », chacun chez soi. De nombreux artistes se sont retrouvés sans revenus, des plus modestes aux plus célèbres, nous les avons vus chanter dans leur salon, en visio ou seuls derrière leur ordinateur. Au centre culturel la Traverse, comme dans les autres salles savoyardes, le temps est désormais à la programmation et surtout à l’optimisme. 

Redonner de l’air, refaire venir les gens, leur offrir de la joie. Telles sont les missions d’un théâtre public. Après des mois sans se voir, et tandis que l’art a permis à beaucoup de tenir bon durant les mois de confinement, les salles de spectacles et les théâtres locaux reviennent toquer à la porte du public. Si Malraux à Chambéry a opté pour la publication de vidéos, en attendant des jours meilleurs, la plupart des salles font débuter leur programmation entre octobre et janvier 2021, attendant de savoir si les mesures de distanciation sociale leur permettront de se remettre sur planches.

Se projeter vers l’optimisme grâce à une nouvelle programmation dédiée au voyage

A la Traverse, au Bourget-du-Lac, la plaquette de programmation est sortie en juin, comme chaque année, pour une programmation débutant au 2 octobre 2020. « Il est temps de proposer aux gens de se projeter sur autre chose que sur les gestes barrière, expose Anaïs Grau, chargée des publics à La Traverse ils ont été empêchés de se voir à cause de la crise sanitaire durant tout ce temps, prenant des apéros en visio à travers leur écran, nous avons souhaité détourner ces situations inédites pour ramener un peu de légèreté. » estime la jeune femme. C’est donc sous cette forme que le centre culturel Bourgetain va dévoiler sa programmation, le 17 juin prochain à 19h, sur ses réseaux sociaux conjointement à son site internet. Ironie du sort, le thème de cette nouvelle saison est une invitation au voyage, ce qui ne manque pas, avouons-le, de symbole, après tant de temps enfermés. « La vidéo comme la plaquette ont été réalisées dans un contexte particulier, mais nous avons eu la chance de pouvoir reprogrammer l’ensemble des spectacles qui n’ont pu se tenir du fait du confinement d’octobre à janvier, se réjouit Nadine Belly, programmatrice à La Traverse, les artistes, les compagnies sont assez inquiètes de ne pouvoir proposer leur travail au Festival d’Avignon, même si les aides de l’Etat existent, cela reste assez compliqué pour eux. Nous travaillons beaucoup avec beaucoup de petites compagnies artistiques pour qui c’est complexe et qui veulent revenir. » 
Et pour cause, répéter dans son salon, en visio, c’est une chose, se retrouver sur les planches, c’en est clairement une autre. « Nous avons invité un groupe de musique, les KatkatPohair à répéter à l’espace culturel, il y a quelques jours, ils étaient émus de revenir au théâtre, sourit Anaïs Grau. Masques couvrant une partie du visage, c’est un peu le retour de la Commedia dell’Arte dont les membres arboraient sur scène des masques expressifs dignes de la grande époque théâtrale italienne.

« L’enjeu pour nous ?  Que le public soit au rendez-vous »

Pas de diminution de recettes en vue, puisque tout a été replacé et que, pour l’heure, les demandes de remboursement n’ont pas afflué : au contraire, les habitués se sont même fendus de petits mots à l’attention de l’équipe, pour la soutenir. Toutefois, Anaïs et Nadine comprennent que le public soit perturbé et puisse émettre des réticences à revenir dans les théâtres, compte tenu du climat encore incertain et de l’état d’urgence sanitaire toujours en cours.
Pourtant, elles font le pari que les gens reviendront au spectacle vivant, et c’est d’ailleurs tout l’enjeu de la sortie de leur programmation en juin sans rien changer aux habitudes. « L’enjeu pour nous est de savoir si les gens seront au rendez-vous, s’abonneront  » fait observer Nadine Belly, le repli sur soi n’est pas forcément négatif, mais nous sommes des êtres sociaux par nature! Cela nous a énormément manqué, à nous, rien ne peut remplacer le spectacle vivant! Le programme est dense avec 34 dates car il nous tenait à cœur que le public voie les spectacles que nous avions prévus. Il est aussi éclectique et côté « sécurité sanitaire » nous avons tout fait pour rassurer le public » précise-t-elle. « Tout le monde a besoin d’air, renchérit Anaïs Grau, pour entraîner tout le monde dans l’optimisme il fallait que nous soyons nous-mêmes dans les starting-blocks. » 

« Vendre un siège sur deux n’est pas possible financièrement »

Seule différence par rapport à une saison « classique », celle-ci démarrera le 2 octobre au lieu de début septembre. « Nous avons bon espoir qu’en octobre, les mesures de distanciation, imposant un mètre de chaque côté d’un spectateur soient levées souligne Nadine Belly, principalement pour les salles numérotées. sinon, dans une salle avec une jauge à 320 places, on ne pourrait installer que  70 personnes et cela n’est pas possible financièrement. De plus, la distanciation physique est antinomique avec le théâtre vivant! Il faut une communication avec le public ! » plaide la programmatrice.

Ce d’autant que pour les voyages en avion, les compagnies aériennes ne programment pas leurs vols un siège sur deux, contraignant uniquement les passagers au port du masque, tout comme dans les TGV à compter du 2 juin, ainsi que l’avait annoncé le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari le 1er juin. « Revenir au spectacle en portant un masque, ça me dérangerait moins qu’être isolée sur mon siège, renchérit Nadine Belly, « les directives actuelles ne sont pas tenables, tant sur un plan technique que sanitaire, mais autant cela n’est pas grave pour un théâtre public, autant ça l’est davantage pour les théâtres privés! » assure-t-elle. Pour autant, La Traverse fait pour l’heure figure d’exception, la majorité des autres salles du bassin Chambérien ayant décidé de décaler l’annonce de la programmation à fin août. « Cela a été un sacré travail d’agenda de tout reprogrammer, de prévenir tout le monde, souligne Anaïs Grau, mais ça ne met pas en péril le théâtre. Il a fallu s’adapter, on l’a fait d’une manière assez brutale, nous saurons le refaire. Mais nous préférons lancer notre programmation, nous avons essayé de répondre à tous les freins sanitaires et financiers. Maintenant, nous, on y croit ! » conclut-elle. Envie de se retrouver entre amis, de reprendre le chemin du rapprochement humain, de retrouver une synergie de groupe : tel est aussi le message de la petite équipe de La Traverse, comme celui des artistes et sans doute d’une large partie du public.  Et ça redémarre, doucement mais sûrement.

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